Édition du vendredi 12 mars 2004
L'abstention aux régionales aurait cru de 10 points à chaque scrutin depuis 1986 !
En hausse constante depuis une vingtaine d'années, l'abstention focalise depuis le premier tour de la présidentielle 2002 les craintes de nombre d'acteurs et observateurs de la vie politique qui ne voient pas ce qui pourrait inverser cette pente ascendante.
D'autant qu'à l'approche des élections régionales et cantonales des 21 et 28 mars, plusieurs sondages font état du manque d'intérêt des électeurs.
Il faut "une mobilisation générale pour inciter les gens à voter", plaide de son côté Jean-Marie Montel, délégué général de l'association Civisme et démocratie (Cidem), qui s'est donné pour objectif l'éducation à la citoyenneté. Pour lui, l'abstention aux régionales, qui a cru de 10 points à chaque scrutin depuis 1986, première fois où il était organisé, passant de 22,1 à 42,3% en 1998, va "continuer sur la même courbe". "Je m'attends à 10 points de plus", affirme-t-il.
Jean Chiche, chercheur au Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof), pronostique aussi une augmentation de l'abstention. Pour lui, atteindre "48% serait énorme". Il veut croire que les cantonales, au moins dans les zones rurales et semi-urbaines, pourront "tirer les régionales" mais, observe-t-il, "on part d'une base très forte (d'abstentionnistes), surtout pour les jeunes, qui va s'amplifier de tous les mécontents d'aujourd'hui".
Pour voter, il faut avoir "l'impression d'un choix entre deux sociétés différentes", explique M. Montel. Or, il manque à la campagne électorale des "enjeux clairs et une radicalisation des débats", les deux facteurs générant la participation.
Cette absence de choix de société - réelle ou supposée - pourrait expliquer l'abstention croissante à tous les types d'élections, et notamment celle des classes moyennes qui s'est particulièrement fait sentir le 21 avril 2002.
L'universitaire Alain Garrigou, auteur d'une "Histoire sociale du suffrage universel", soulignait en 2002 que le sentiment de "l'inanité du vote s'est bien répandu" et jugeait "significatif que les nouveaux abstentionnistes appartiennent aux milieux sociaux et professionnels (...) où l'on partage le plus la croyance dans le déplacement des centres de décision, par exemple de la politique et de l'Etat vers l'économie et les grandes entreprises".
L'abstention ne signifie "pas une dépolitisation de la société ou des jeunes", principaux abstentionnistes avec l'électorat le plus démuni, estime pourtant Jean-Marie Montel. Pour lui, si "l'on vote quantitativement moins, on vote qualitativement mieux" qu'avant, les "choix sont plus mûris".
"Il existe un désintérêt non pas des enjeux mais de la politique partisane", remarque Jean Chiche. D'ailleurs, plus de 80% des Français jugent important d'aller voter, explique-t-il. Le décalage se situe au niveau de l'offre politique qui, bien que "fragmentée, décomposée, ne répond pas aux attentes des citoyens". Dans ces conditions, on pourrait presque parler "d'éparpillement consumériste" des électeurs, et ne pas voter correspond à "une expression".<
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